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Carlos Ghosn fait peut-être des fêtes à Versailles mais il ne ressemble pas à Louis XVI !


L’exercice de communication auquel s’est livré Carlos Ghosn hier était un des plus périlleux qui puisse exister. Parler de « communication de crise » est, en l’occurrence, un doux euphémisme.


Après des mois de prison et de procédures judiciaires au Japon, après une mise au ban générale, poursuivi par la justice japonaise, en fuite de celle-ci, sous le coût d’une demande d’arrestation de la part d’Interpol, on peut facilement imaginer le stress immense et les tensions colossales qui devaient animer le chef d’entreprise au moment de prendre la parole hier. Il faut bien reconnaître que la partie semblait perdue d’avance.


Seulement voilà, hier, en seulement quelques heures, Carlos Ghosn a réussi une contre-offensive médiatique absolument impressionnante en termes de maîtrise et de portée.


Comment agir en pareil cas ?


Sur le fond.


Fallait-il répondre point par point à chaque accusation ?


Certainement pas. Passer plus d’une heure à donner des détails précis et compliqués qui, au final, n’intéressent pas vraiment la presse et l’opinion publique aurait été une erreur fatale.


On ne doit jamais, dans une situation semblable, communiquer sur la défensive car cela donne l’impression fort négative qu’on est traqué et donc en état de fuite.


Comment répondre dans ce cas ?


Tout d’abord, en choisissant quelques points précis avec le plus grand soin (ceux qui semblent être les plus pertinents pour la presse et l’opinion publique car ils ont retenu leur attention, ceux qu’on arrivera le mieux à défendre « preuves » à l’appui etc.)


Ce choix étant fait, il convenait de donner des éléments concrets, précis et documentés. Cela a été fait avec brio notamment en ce qui concerne le cas de la location de Versailles. En agissant ainsi, on se forme un bouclier solide.


Fallait-il se présenter comme une victime ?


Surtout pas ! Pour réussir, le communiquant avisé doit être un merveilleux équilibriste !


Se placer en victime face à l’opinion publique c’est aller tout droit vers l’échafaud médiatique. Lorsque qu’une personne accusée est riche, connue, influente, elle ne peut prétendre être un « agneau ».


Même si l’opinion publique ne connait pas la vie d’un grand chef d’entreprise elle possède une conviction : à ce niveau de pouvoir, on triche et fraude forcément, cela fait partie du jeu.


Dès lors, se présenter à ses yeux comme un « perdreau de l’année » ne peut pas passer et déclenchera de l’hostilité.


Fallait-il parler de complot ?


Oui et non. Encore une fois, il s’agit ici d'un travail d’équilibriste.


Bien sûr, on est « victime » mais pas une victime innocente ! Plus précisément, il faut opérer une subtile mise à niveau. Il faut réussir, à ne pas apparaître davantage coupable que ceux qui vous accusent.


Fallait-il être accusateur ?


Oui et non mais plutôt non que oui.


La simple logique parait parfois bien difficile à comprendre. Pourtant un combattant en art martial, par exemple, sait que, dans un combat mal engagé, où on se trouve en situation d’infériorité, la première victoire est de regagner la position d’égalité.


Passer à l’offensive n’est pas possible avant d’être revenu à l’égalité. Alors évoquer certaines personnes et les présenter comme responsables (pas « coupables » !) est positif mais sans aller plus loin à ce stade.


Sur la forme.


Le communicant avisé doit apparaître sérieux, compétent et tout de suite donner à l’opinion publique l’image qu’elle s’attend à voir.


Si vous semblez atteint, blessé et que vous souhaitez jouer sur l’émotionnel vous allez très rapidement, pour les raisons exposées plus avant, atteindre une impasse. L’opinion ne sera pas émue par une personne qu’elle ne peut concevoir comme étant « un saint dans un monde de requins ».


Surtout, vous allez montrer une très grande faiblesse et décevoir grandement les attentes.


Il ne faut jamais oublier qu’on parle d’arène politique ou d’arène médiatique comme on parle d’arène antique. De manière consciente ou inconsciente, le spectateur veut voir un spectacle ! Il ne faut donc jamais le décevoir.


Carlos Ghosn a été, hier, impressionnant de maîtrise. Dès le début, il a donné l’image d’un patron de dimension internationale qui semblait « simplement » diriger une réunion d’actionnaires ou un conseil d’administration.


Qui a eu encore en tête, après seulement quelques minutes, qu’il s’agissait en réalité de la conférence d’une personne en fuite aux yeux de la justice nippone ?


Qui a eu l’envie de se moquer de sa possible fuite dans une malle ? Malgré quelques questions à ce sujet qui auraient pu sembler dérangeantes, tout a été expédié par l’intéressé avec une facilité désarmante.


On imagine que Louis XVI, à Varennes, n’a pas fait preuve de la même aisance d’où l’intérêt d’être un excellent communicant (et d’être bien conseillé !)


Sûr de lui, concret, polyglotte, il a dégagé une impression d’assurance et de sérieux. Équilibré dans sa stratégie il a évité les pièges, ménagé les différentes susceptibilités et a expliqué, comme le ferait un maître d’école. Il s’est positionné ainsi comme étant celui qui sait et qui explique.


De façon remarquable, il a su captiver l’attention et répondre, sans aucune aide ou l’ombre d’une hésitation, à l’ensemble de la presse internationale en… quatre langues !


Clou du spectacle, il a réussi à plaisanter à certains moments et à présenter l’image de celui qui dirige la conférence, distribue la parole, bref l’image d’un dominant.


En résumé.


En pareil cas, il convient de jamais se donner des objectifs trop ambitieux et de céder à la grande tentation qui consiste à « aller un pont trop loin ». Dans une situation semblable, Dominique Strauss-Kahn ou Bernard Tapie n’avait pas su bien doser leurs interventions et étaient tombés dans ce piège.


En se présentant victime d’un complot important et secret, très affecté par ce qui lui était arrivé, DSK a fait du hors sujet.


Trop sûr de ses qualités d’orateur, Bernard Tapie a, pendant de nombreuses années, bien trop parlé lors de ses interventions. Il a laissé ainsi à l’opinion publique l’image d’un « beau parleur », plaisant à regarder. En revanche, il n’est jamais parvenu à convaincre.


Une communication de crise n’est pas faite pour apporter des preuves mais pour convaincre une opinion. Elle ne doit jamais se donner des objectifs démesurés, trop ambitieux.


Aujourd’hui, en terme d’image, Carlos Ghosn est revenu à égalité, en terme de crédibilité, avec ses accusateurs. C’est une victoire exceptionnelle et Il a fait preuve d’une remarquable force.


Quant à Anne Méaux, elle ne peut être que félicitée et admirée pour son talent.



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